La mystérieuse fortune de l’abbé Saunière
Un homme d’Église, une petite bourgade, une fortune inexplicable, un trésor convoité…
Venez découvrir l’histoire de l’abbé Saunière, qui a largement inspiré l’auteur du Da Vinci Code !
Qui était l’abbé Saunière ?
Commençons par le personnage principal de notre histoire : l’abbé Saunière. Et tout de suite, une petite parenthèse. Si vous vous rappelez bien, dans le roman de Dan Brown, il y a un certain Jacques Saunière, qui occupe le poste de conservateur en chef du musée du Louvre. Clairement, ce nom n’a pas été choisi au hasard…
Bérenger Saunière est né le 11 avril 1852 à Montazels, dans le département de l’Aude. Sa famille a une position notoire dans le village puisque Joseph Saunière, le père de Bérenger, en est le maire. Bérenger est le second enfant du couple mais, comme son frère est mort en 1850, il est l’aîné de la fratrie.
En 1874, Bérenger entre au Grand séminaire de Carcassonne. Grand connaisseur des langues anciennes, latin, grec ancien, hébreu, il devient professeur, avant d’être nommé prêtre en 1879. Affecté à Alet-les-Bains, il est ensuite déplacé à Clat, avant d’être envoyé à Rennes-le-Château.
La rumeur veut que cet isolement soit le résultat d’une personnalité jugée trop indépendante. En effet, Rennes-le-Château est une toute petite bourgade, perdue dans la campagne, avec une église et un presbytère en piteux état. L’avantage pour Bérenger, c’est qu’il connaît déjà très bien les lieux, puisque la maison de ses parents offre une vue imprenable sur la paroisse.
Nous sommes le 1er juin 1885. Âgé de 33 ans, Bérenger Saunière débaroule dans sa nouvelle paroisse, alors peuplée d’environ 200 âmes. Comme le presbytère est inhabitable, Saunière emménage chez une paroissienne, une certaine Antoinette Mare. Les débuts sont difficiles. Saunière découvre une église à la limite de la ruine : la toiture est percée, les vitraux ont été remplacés par des planches, le clocher est lézardé. Pour effectuer les premières rénovations, Saunière fait appel à un limonadier du village voisin, Elie Bot, réputé pour ses compétences en maçonnerie.
Mais, très vite, les convictions de Saunière vont lui causer des problèmes.
En effet, peu de temps après son arrivé à Rennes-le-Château, il fait l’objet d’une plainte de la part du maire, pour avoir incité ses paroissiens à voter royaliste, lors des élections de 1885. Suspendu 6 mois, il est au cœur d’un nouveau scandale, quand il prend l’immorale décision d’embaucher une gouvernante âgée d’à peine 18 ans, une dénommée Marie Denarnaud. En effet, selon le droit canonique, ce poste aurait dû être occupé par une femme d’au moins 40 ans. Bref, les villageois jasent, les rumeurs circulent, vous voyez le tableau.
Le début du mystère…
Une fois la toiture et les infiltrations réparées, Saunière décide de remplacer le maître-autel, grâce au généreux don d’une paroissienne. Durant les travaux, alors qu’ils sont en train de démanteler l’ancien autel, les ouvriers découvrent une cache, dans le pilier qui soutenait l’ensemble. À l’intérieur, ils auraient découvert de vieux parchemins.
Je parle au conditionnel car il existe de gros doutes sur la fameuse cache. En effet, les caches situées dans des piliers servaient généralement à enfermer de modestes reliques, la place n’étant pas suffisante pour y dissimuler plusieurs parchemins. Ainsi, plutôt qu’une cache dans le pilier de l’ancien autel, certains prétendent que les parchemins auraient été découverts dans les murs de l’église, dans la chaire, dans le plancher, dans les cryptes ou à l’intérieur d’une statue. En plus, certains sont persuadés qu’il y avait plusieurs caches. Bref, tout dépend de la théorie à laquelle vous adhérez.
Informée de cette découverte, la mairie de Rennes-le-Château aurait demandé à voir les parchemins. Peu désireux de s’en séparer, Saunière leur aurait fourni des calques. Malheureusement, ceux-ci auraient brûlé lors de l’incendie de la mairie, en 1910.
D’après la tradition, les parchemins auraient été au nombre de 4. Le premier représentait un arbre généalogique, énumérant tous les descendants du roi Dagobert II (règne : 676 – 679), de 681 à 1244. Le second était un testament de François-Pierre d’Hautpoul, sur lequel on trouvait la suite de la généalogie des Mérovingiens, allant de 1200 à 1644. Le troisième était un testament d’Henri d’Hautpoul. Quant au dernier, le plus mystérieux des 4, il contenait des passages de l’Ancien Testament, avec une sorte de code secret.
Tout cela étant bien mystérieux, on peut comprendre que Dan Brown y ait vu l’opportunité d’écrire un roman à mystère, mais, vous vous en doutez, on peut émettre de sérieux doutes sur ces parchemins.
Déjà, leur découverte ne se base que sur le témoignage d’Elie Bot, le limonadier, qui dit avoir vu les ouvriers remettre des parchemins à Saunière. Ensuite, comme par hasard, les calques ont brûlé. Et surtout, deux individus en mal de notoriété ont jeté le discrédit sur toute l’affaire quand, dans les années 1960, ils ont publié de faux documents, qu’ils ont présenté comme étant des reproductions originelles des parchemins. Si vous voulez en savoir plus sur cette supercherie : cliquez ici.
Pour autant, la découverte des parchemins n’était que le premier chapitre d’un longue série.
En effet, après les parchemins, c’est une dalle découverte en 1891 qui va échauffer les esprits. Alors qu’ils sont en train de refaire le sol de l’église, les ouvriers soulèvent un gros bloc de pierre, qui s’avère être sculpté. Bizarrement, la face sculptée regarde vers le sol, cachant les gravures.
Sur la gauche de la dalle, on reconnaît une cavalière assise en amazone, qui semble sonner le cor. De l’autre côté, on a représenté un cavalier tenant une lance et un objet de forme ronde. C’est ce dernier détail qui a semé le trouble, certains faisant de son rond la preuve d’un second cavalier, ce qui serait une référence au sceau des Templiers.
Sauf que, les dates ne concordent pas. L’Ordre du Temple n’est apparu qu’au XIIème siècle, alors que la dalle est datée de l’époque carolingienne, peut-être du VIIIème ou du IXème siècle. En plus, la sculpture n’a rien d’extraordinaire, dans le sens où elle figure une banale scène de chasse. La conclusion la plus logique est que cette dalle est d’origine funéraire et qu’elle servait à recouvrir le tombeau des seigneurs de Rennes-le-Château.
Mais, si vous souhaitez vous faire votre propre opinion sur le sujet, sachez que cet objet archéologique, surnommé Dalle des Chevaliers, est aujourd’hui visible dans le petit musée du presbytère.
Des parchemins codés, une dalle posée à l’envers, ça commence à faire beaucoup…
Et encore, vous n’avez rien vu. Les habitants de Rennes-le-Château, eux aussi, commencent à trouver l’affaire suspicieuse. À vrai dire, des rumeurs circulent, racontant que la fameuse dalle sculptée cachait en fait un trésor, jalousement gardé par l’abbé Saunière. Sur ce point, les villageois n’avaient peut-être pas complètement tort. En effet, selon un historien local, il est possible qu’un ancien abbé ait dissimulé une partie des biens de son église sous la dalle, afin d’empêcher les Révolutionnaires de tout prendre.
Peut-être motivé par la perspective de découvrir d’autres trésors (attention, on parle de quelques pièces, pas d’un trésor démentiel), l’abbé Saunière se serait lancé dans une drôle de quête : le pillage de tombes.
En effet, plusieurs témoins affirment avoir vu, à la nuit tombée, le religieux et sa gouvernante sortir du presbytère (où ils vivent ensemble) pour aller creuser dans le cimetière accolé à l’église. Il se dit aussi que Saunière est de plus en plus absent de sa paroisse et qu’il profite de ses journées pour arpenter la campagne, toujours équipé d’un grand sac.
Accusé de dégrader les tombes du cimetière et de voler des matériaux pour embellir son église, Saunière va faire l’objet d’une plainte, envoyée par le conseil municipal de Rennes-le-Château au préfet de l’Aude, en 1895.
Un abbé aux goûts de luxe…
Rappelez-vous. Quand Saunière débarque à Rennes-le-Château, en 1885, le presbytère et l’église sont en piètre état. 10 ans plus tard, les travaux sont presque achevés, et les bâtiments sont plus resplendissants que jamais. « Génial ! », doivent se dire les paroissiens. En fait, pas vraiment.
La question qui est sur toutes les lèvres est : comment l’abbé Saunière a-t-il pu réunir autant d’argent ?
Surtout que les dépenses semblent sans fin. En 1899, Bérenger Saunière, par l’intermédiaire de sa gouvernante, acquiert 6 terrains de la commune, sur lesquels il fait construire un immense domaine, comprenant une maison, la villa Béthania, un jardin d’agrément avec une ménagerie, une serre et deux tours reliées par un chemin de ronde. C’est d’ailleurs l’une de ces tours qui va marquer l’imaginaire : la fameuse Tour Magdala. Bâtie sur une colline, la Tour Magdala a été construite sur le modèle médiéval et, à l’époque de Saunière, elle lui servait de bibliothèque et de lieu de méditation.
Au fil des années, Bérenger va de plus en plus attirer l’attention, au point que l’évêché va lui aussi commencer à émettre des soupçons. En particulier, le nouvel évêque de Carcassonne, Paul-Félix Beuvain de Beauséjour, qui va se rendre compte que les livres de compte de Saunière sont truqués. Pour se défendre, l’abbé va dire qu’il est l’heureux bénéficiaire de nombreux dons, de la part de bienfaiteurs anonymes. Bon, il y a sans doute une part de vrai là-dedans, puisque l’on sait que Bérenger était soutenu par les milieux royalistes et par son frère Alfred. Toutefois, s’il n’avait rien à se reprocher, pourquoi aurait-il truqué ses livres de compte ?
Vous vous en doutez, cette fortune à l’origine douteuse a fait couler beaucoup d’encre. En plus du pillage de tombes et de dons anonymes, certains suggèrent que Bérenger Saunière pratiquait la simonie. Pratique apparue au Moyen-Âge, la simonie consistait à acheter ou à vendre des objets sacrés, des biens spirituels ou des charges ecclésiastiques. Dans le cas de Saunière, on parlerait d’un trafic de messes, c’est-à-dire que l’abbé aurait empoché l’argent donné par les fidèles pour financer des messes.
Face à ces graves accusations, Saunière est sommé de changer de paroisse. Mais, comme il refuse de quitter Rennes-le-Château, il est envoyé devant un tribunal ecclésiastique, qui le suspend a divinis. Autrement dit, l’abbé n’a plus le droit de célébrer la messe ou d’administrer les sacrements. Remplacé par un autre curé, Saunière parvient à être réhabilité par Rome en 1913, avant d’être de nouveau exclu en 1915.
L’histoire aurait pu s’arrêter là mais c’est mal connaître Saunière. Malgré l’interdiction, l’abbé continue à célébrer la messe, en se servant de la véranda de sa villa comme d’une église de fortune. Il faut dire que beaucoup d’habitants lui sont restés fidèles, malgré toutes les accusations dont il a fait l’objet. D’autres, en revanche, lui vouent une haine farouche, au point qu’ils vont l’accuser d’être un espion, lors de la Première guerre mondiale.
La naissance d’une légende…
Si la vie de l’abbé Saunière est déjà digne d’un roman, je ne vous parle pas de la suite…
Victime d’une crise cardiaque, Bérenger Saunière meurt le 22 janvier 1917, à l’âge de 65 ans. Peu avant de mourir, il reçoit la visite d’un curé, qui écoute sa dernière confession. L’histoire raconte que le curé, choqué de ce qu’il venait d’entendre, aurait refusé de lui donner l’absolution, le pardon de Dieu. Le choc passé, le curé serait finalement revenu quelques jours plus tard, pour accomplir son devoir.
Un élément de plus pour entretenir la légende…
Il faut dire que Bérenger Saunière a su entretenir le mystère. Plutôt que d’admettre qu’il passait ses nuits à piller des tombes et ses journées à voler l’argent des fidèles (on peut le comprendre), l’abbé a préféré laisser courir les rumeurs, même si elles n’étaient pas toujours très flatteuses.
A vrai dire, on peut même se demander si le religieux n’aurait pas carrément cherché à les alimenter, en enjolivant la découverte des parchemins et de la dalle, et en ne niant jamais l’hypothèse d’un trésor. Après tout, mieux valait entretenir un mythe fabuleux, et même l’idée d’un pacte avec le Diable, plutôt que d’admettre la vérité.
Après la mort de l’abbé, nombreux vont être ceux qui vont populariser la légende de Saunière, surtout dans le but de gagner de l’argent. Le premier va être Noël Corbu, héritier du domaine de l’abbé et créateur d’un hôtel-restaurant dans la villa Béthania.
Pour attirer un maximum de visiteurs, l’homme d’affaires va donner une interview à la Dépêche du Midi, dans laquelle il va raconter que l’abbé Saunière aurait découvert, enfoui dans son église, le trésor de la reine Blanche de Castille. Tout esprit rationnel penserait « vraiment? la reine de France connaissait Rennes-le-Château? », mais il faut reconnaître que la stratégie commerciale a très bien fonctionné.
Le retentissement suivant, vous le connaissez déjà. C’est la création de faux documents, à la fin des années 60, afin de faire croire à l’existence de parchemins au message codé. Les principaux protagonistes de cette supercherie, le dessinateur Pierre Plantard et l’écrivain Philippe de Chérisey, vont parvenir à faire publier leurs « reproductions » et leurs théories fantaisistes dans un ouvrage édité par Gérard de Sède : L’Or de Rennes.
Dans ce roman pseudo-historique, l’abbé Saunière est décrit comme un religieux énigmatique, qui aurait découvert un trésor et l’aurait caché. Pour le retrouver, il faudrait décrypter une œuvre de Nicolas Poussin, Les bergers d’Arcadie.
L’histoire est ensuite reprise par trois journalistes anglais, sous le titre de L’énigme sacrée. Sorti en 1982, l’essai se présente comme une véritable enquête, où se mêlent des thèmes ésotériques et religieux. On y évoque le Prieuré de Sion (un ordre fondé par Pierre Plantard en 1956 mais qui se présente comme le dernier avatar d’une société secrète créée par le croisé Godefroy de Bouillon), les Templiers, le Saint-Graal, les Cathares, etc. On y apprend aussi que Jésus aurait eu un enfant avec Marie-Madeleine, que cet enfant serait le premier des Mérovingiens et que Pierre Plantard serait son descendant direct.
Ces éléments vous rappellent un certain best-seller, publié en 2003 puis adapté au cinéma en 2006 ? Eh oui, le Da Vinci Code n’a pas inventé grand-chose, mais il a été très bien écrit (chapitres courts, beaucoup de suspense, références pseudo-historiques) et a bénéficié d’une excellente campagne de com’ (je vous rappelle que la préface présente le bouquin comme une thèse, et non comme une fiction). Encore une fois, l’appel de l’argent a été plus fort que celui de la vérité historique…
Pourtant, la vie de Bérenger Saunière, racontée telle quelle, sans fioritures, serait déjà digne d’un excellent roman. Vous ne croyez pas ? 😉
Si l’article vous a plu, n’hésitez pas à me le faire savoir en me laissant un commentaire.
Je serai également curieuse de connaître votre avis sur cette histoire : pensez-vous que l’abbé Saunière pratiquait vraiment la simonie ou êtes-vous toujours séduit(e) par l’hypothèse d’un trésor ?
J’ai hâte de vous lire ! 🥳
Envie de découvrir un autre mystère ? Pourquoi ne pas lire l’article consacré à la disparition de tout un équipage, dans l’Océan Pacifique : l’épopée mystérieuse de La Pérouse.
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Merci d’avance et à bientôt, pour une nouvelle Histoire de l’Ombre… ❤
Un commentaire
Encinas
Il y a beaucoup de preuves sur une réalité plus que sur une fictionD. Ce sont les réalisations importantes du curé Bérenger Saunière. Dejà por commence une paroisiènne lui a donné assez de l’argent pour réparer le clocher et l’autel; puis pour démonter le dallage de l’église et pour trouver la « pierre sculptée » , etc.