L’Atlantide : mythe ou réalité ?
La merveilleuse Atlantide, l’île paradisiaque qui, un beau matin, paie le prix de sa décadence et se trouve engloutie sous les eaux. Qui n’en a jamais entendu parler… Pourtant, quelles certitudes avez-vous sur le sujet ?
Histoire de se rafraîchir la mémoire, on va se poser une question très simple – mais qui a fait gratter tant de papier, celle de savoir si l’Atlantide est un mythe ou une réalité ?
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Aux origines de l’Atlantide
Si l’on veut parler de l’Atlantide, on doit se téléporter dans la Grèce de Platon, qui a vécu entre 427/428 et 348/347 avant notre ère. Pour rappel, Platon est l’un des plus grands philosophes de l’Antiquité européenne, connu entre autres pour ses Dialogues (incluant souvent son maître Socrate) et son Allégorie de la caverne — grosso modo : des types sont enfermés dans une caverne, dos face à l’ouverture, ils ne voient que des ombres dansant sur le mur face à eux.
Un jour, un des gars se retourne, sort de la grotte, se rend compte que les ombres sont le reflet d’une autre réalité. Platon montre ainsi que le monde contient 2 réalités : le monde matériel et le monde des idées ; une table en bois, c’est le monde matériel, l’idée de la table, c’est un concept extérieur au monde matériel et éternel.
Voilà, bienvenue dans le cours de Philosophie simplifiée à mort de Mme Audrey Feather.
Bref, pour en revenir à nos moutons, Platon est le premier à évoquer l’existence d’une Atlantis (Atlantide, c’est la version française). Sorte de cité vertueuse devenue peu à peu décadente, Atlantis sert en fait de prétexte au philosophe pour édifier la légende de sa propre cité : Athènes. Mais attention, pas l’Athènes conquérante et corrompue de son temps. Ce que Platon encense, c’est l’Athènes perdue, celle qui vivait de la terre et qui ne se mêlait pas des affaires du monde. Ainsi, si Atlantis a péché et s’en est mordue les doigts, la cité athénienne ferait bien de prendre garde, afin qu’une telle tragédie ne la touche à son tour.
Platon raconte l’histoire d’Atlantis dans deux Dialogues : le Timée (rédigé vers – 358) et le Critias – ou Sur l’Atlantide (qui suit le Timée mais restera inachevé). Dans ces récits, Platon évoque les origines du monde – Univers, Hommes, Cité. C’est par la bouche de Critias, un Athénien politicien/poète/philosophe, disciple de Socrate et cousin de Platon, qu’est mentionnée pour la première fois l’existence d’une Atlantis.
Île ennemie d’Athènes, l’Atlantide aurait été engloutie par les flots il y a environ 9000 ans (mais 9000 ans à compter des VII-VIème siècles avant notre ère donc, euh, pour nous, ça fait, euh, ben faites le calcul vous-mêmes !). Critias aurait obtenu ces informations de son arrière-grand-père, qui les tenait lui-même d’un gars, qui les tenait lui-même d’un Égyptien (meilleure phrase de tous les temps, I know). Bref, que nous apprend Critias (460-403 avant notre ère) sur Atlantis ?
Atlantis se situe au-delà des colonnes d’Hercule, soit le détroit de Gibraltar, et elle est dédiée au dieu Poséidon, dieu grec des mers et des océans. Elle existe depuis des temps immémoriaux, quand les dieux et les déesses se partagèrent la Terre. C’est donc Poséidon qui hérita de ce lopin de terre, qu’il peupla de 5 lignées de jumeaux, en s’accouplant avec une fille du coin, Clitô. Les dix enfants se partagèrent le territoire et formèrent dix royaumes, pendant que l’aîné Atlas donnait son nom à l’île et aux eaux l’entourant, soit Atlantis et Atlantique.
Atlantis fut une région prospère, sage et glorieuse. Malheureusement, le temps passant, la décadence se mit en marche… et les descendants des 10 premiers rois devinrent belliqueux, envahissant les terres alentour – en Afrique et en Europe. Alors, Athènes, cité merveilleuse, mit fin à l’expansion des Atlantes et libéra les peuples tombés sous leur joug. Enfin, Zeus, le roi des dieux, punit Atlantis en l’engloutissant sous les flots. Ne subsista alors d’Atlantis qu’une zone vaseuse, un limon infranchissable. The end.
La postérité du mythe
Si, comme ça, on peut s’imaginer que le récit de Platon a eu un succès retentissant dès son époque (franchement, qui n’aime pas les histoires de cités maudites et englouties ?), il n’en est rien. On trouve quelques reprises du mythe de l’Atlantide durant l’Antiquité ; toutefois les auteurs grecs et latins ne mentionnent son nom que pour réfuter son existence.
Ne parlons même pas du Moyen-Age, qui élude complètement l’histoire de la cité perdue. En revanche, avec la (re)découverte des auteurs antiques, à l’époque de ce que l’on appelle la Renaissance, on spécule dans tous les sens pour savoir si l’île décrite par Platon est une invention à portée philosophique ou s’il s’agit d’un récit inspiré d’une quelconque réalité historique.
Il va s’en dire que chacun des auteurs ayant écrit à propos de l’Atlantide l’a fait avec une idée derrière la tête. Ainsi, quand Francis Bacon publie, en 1627, la nouvelle philosophique La Nouvelle Atlantide, il le fait avec deux intentions. La première est de décrire une forme de société idéale, qu’il appelle Bensalem et qu’il dote d’un gouvernement savant : la Maison de Salomon.
Ces hommes, instruits et philosophes, ont construit la cité parfaite car ils sont capables de distinguer le vrai du faux dans les domaines scientifiques et religieux. La seconde intention de Bacon est de convaincre le roi d’Angleterre de lui fournir des fonds pour son projet d’Institut des Sciences et des Techniques.
D’autres, comme les nazis, ont également repris le mythe de Platon à leur compte, faisant d’Atlantis le berceau de la race aryenne. L’idée, en particulier développée par Karl Georg Zschaetzsch (1870-1946), était de retracer la filiation des Indogermains jusqu’au peuple des Atlantes. Dans la propagande nazie – qui s’inspirait des récits nationalistes des XIX et XXème siècles, les peuples germaniques se voulaient les descendants du peuple indogermanique nordique.
Invention mythologique, cet héritage permettait aux pangermanistes de justifier l’expansion nazie, au nom d’une ancestrale domination aryenne territoriale et idéologique, et de violer les frontières traditionnelles pour imposer leur tristement célèbre « espace vital ».
Les siècles suivants la Renaissance, la querelle sur l’Atlantide a perduré, opposant les tenants d’une Atlantide allégorique, tandis que d’autres entamaient des recherches archéologiques pour mettre la main sur les vestiges de la cité engloutie. Comme ça, vous devez vous dire, c’est facile, Platon ayant évoqué les Colonnes d’Hercule, tout le monde doit chercher vers Gibraltar. Et bien, pas du tout. Scientifiques, écrivains, amateurs, tout le monde a échafaudé ses propres hypothèses sur la possible localisation de l’Atlantide.
Voici une liste non exhaustive des diverses propositions : sur l’île de Santorin, dans l’océan Atlantique, en Sardaigne, en mer du Nord, dans le Sahara, au nord de l’Espagne, en Antarctique, dans la mer Noire, au large de Chypre… Maintenant, si ça vous tente, lancez-vous, faites vos hypothèses. Allez, je suis joueuse, je propose une Atlantis au-delà des limites du système solaire ! ^^
L’Atlantide : un cas unique ?
Dans l’imagination populaire, les territoires perdus et les cités englouties font beaucoup fantasmer. Pourtant, d’un point de vue historique, nul besoin d’aller chercher du côté des récits fantastiques pour trouver son bonheur. Des cités perdues, redécouvertes par hasard, seulement mentionnées dans de vieux écrits ou aujourd’hui inhabitées, sont légion ! Ainsi, si Platon semble avoir crée le mythe de l’Atlantide de toute pièce, on peut imaginer qu’il s’est inspiré d’un fond historique et/ou légendaire, reprenant à son compte les récits populaires de son temps.
Personnellement, quand on me parle de cité perdue, je pense immédiatement à la ville de Troie. Vous savez, cette cité qui a été le théâtre de l’une des épopées antiques les plus célèbres : l’Iliade. Pour rappel, l’Iliade raconte l’expédition de rois grecs, menés par le roi de Sparte Ménélas, afin de récupérer la femme de ce dernier, Hélène, enlevée par Pâris, le fils du roi de Troie.
Après diverses péripéties, dont la mort de Patrocle, d’Hector et d’Achille, tous de valeureux héros au destin tragique, c’est finalement par la ruse que les Grecs vont l’emporter sur les Troyens. L’idée vient d’Ulysse, roi d’Ithaque et futur protagoniste de l’Odyssée, et elle consiste à cacher des guerriers dans un énorme cheval de bois. Pensant qu’il s’agit d’une offrande, les Troyens font entrer le cheval dans la cité et ce geste signe leur fin.
Comme pour l’Atlantide, la localisation du site de la guerre de Troie a longtemps fait débat. Toutefois, à la différence de la cité de Platon, la Troie historique a fini par se dévoiler puisque, dès la fin du XIXème siècle, des savants sont parvenus à isoler deux sites potentiels : Hissarlik et Burnabashi, les deux se situant en Turquie.
C’est un archéologue amateur allemand, Heinrich Schliemann (1822-1890), qui finira par être le « découvreur de Troie », après qu’il ait fait usage de son immense fortune pour acheter une partie de la colline d’Hissarlik et qu’il ait mis à jour diverses strates sous la colline. Le problème avec Schliemann, c’est qu’il ne fait pas preuve d’une grande rigueur scientifique et qu’il n’hésite pas à voler les vestiges archéologiques sur lesquels il met la main.
Le plus gros scandale, c’est quand Schliemann et sa femme Sophia dérobent ce qu’ils pensent être le Trésor de Priam, à savoir plus de 8000 objets incluant des vases, des dagues, des pots, et surtout des parures d’or, dont deux diadèmes, six bracelets, cinquante-six boucles d’oreille, …, que l’archéologue amateur léguera à l’Allemagne en 1881 (aujourd’hui, la majorité des artefacts se trouve à Moscou, les Soviétiques ayant emporté le trésor dans leur pays durant la Seconde Guerre mondiale). Bref, ce pillage va franchement agacer la Turquie et obliger Schliemann à abandonner les fouilles d’Hissarlik en 1875.
En 1878-1879, accompagné de Rudolf Virchow et de Wilhelm Dörpfeld, Schliemann a le droit de retourner à Hissarlik. Il profite de l’occasion pour reconnaître ses erreurs de datation (le fameux « Trésor de Priam » date en fait de 2450 av. notre ère environ, ce qui est bien antérieur à la date présumée de la guerre de Troie, que l’on situe aux alentours du XIIème siècle avant notre ère) et le manque de soin qu’il a porté aux couches de sédiments qui ne l’intéressaient pas.
À l’heure actuelle, on estime que la colline d’Hissarlik contient l’histoire de neuf villes successives, dont certaines ont été détruites par des causes naturelles et d’autres par des conflits. Toutefois, si la Troie historique est une réalité, la Troie de l’Iliade relève – pour l’heure – du domaine du mythe.
Voilà, notre voyage aux origines du mythe de l’Atlantide s’achève ici.
Si le sujet vous a intéressé(e)(s), n’hésitez pas à me laisser un petit commentaire et à me proposer d’autres idées de cités perdues. En plus de l’Atlantide et de Troie, on pourrait tout à fait évoquer Ur, Ys, Avalon, Mycènes, Ciudad Perdida, Pompéi, … 😀
Si vous avez envie de découvrir un autre sujet « controversé », pourquoi ne pas lire l’article consacré à l’Alchimie ?
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Merci d’avance et à bientôt, pour une nouvelle Histoire de l’Ombre… ❤
Crédits Images :
-> Deux colonnes d’Hercule : Par Diego Delso, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46555480
-> Localisation Atlantide : Par Maximilian Dörrbecker (Chumwa) — Travail personnel, usingThe Physical Map of the World from ShadedRelief.comthis map Athanasius Kircher’s imagination of Atlantis, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29157370
-> Atlantis : Par George Grie — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=60686064
-> Hissarlik : Par CherryX per Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21675688
-> Carte situant Troie : Par Gilles Mairet — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=65381872