Le wendigo : l’incarnation d’un tabou ?
S’il y a bien une créature amérindienne qui a inspiré la pop-culture, c’est celle du wendigo. Mais, au-delà de son apparence monstrueuse, qu’incarne cette entité amatrice de chair humaine ?
Décryptons ce mythe ensemble…
Aux sources du wendigo
Le wendigo (wendigowak au pluriel), s’il s’est répandu au sein de nombreuses tribus nord-américaines, tire ses origines des croyances algonquiennes.
Les Algonquiens, ce sont des peuples amérindiens qui occupaient une grande partie du Canada actuel, ainsi que la région des Grands Lacs et le nord-est états-uniens.
Comme pour les Sioux, il ne faut pas voir dans les Algonquiens une grande nation uniforme. Sous cette appellation, on regroupe en fait des tribus parlant une langue de la famille algonquienne, elle-même subdivisée en une trentaine de dialectes locaux.
Parmi les nombreuses tribus algonquiennes, celles qui ont le plus façonné la légende du wendigo sont les Ojibwés (wiindigoo) et les Cris (Wīhtikōw). Pour aujourd’hui, on se contentera d’évoquer une partie de l’Histoire des Ojibwés.
Les Ojibwés
Selon les traditions orales et des écrits retrouvés sur des écorces de bouleau, les Ojibwés (qui appartiennent au grand groupe culturel des Anichinabés) viendraient de l’embouchure du Saint-Laurent, ce fleuve qui traverse l’actuel Québec.
Au fil du temps, ils auraient migré vers l’intérieur des terres, jusqu’à la région des Grands Lacs. Cette migration est racontée comme la conséquence d’une vision, qui aurait prophétisé l’arrivée de visages pâles venus de l’est. Aussi, s’ils ne partaient pas vers l’ouest, les Anichinabés perdraient leurs libertés et leurs traditions.
C’est ainsi, qu’au fil des siècles, ils se sont implantés dans de nouveaux territoires, créant des chefs-lieux à chaque point d’arrêt (comme Sault Sainte-Marie) et se divisant au fil des expéditions (c’est lors de la troisième halte que le groupe sud des Anichinabés se morcellent en 3 branches, dont celle des Ojibwés).
Avant l’arrivée des Européens, les Ojibwés étaient nomades, se dispersant à l’automne pour rejoindre leurs terrains de chasse respectifs. Durant l’été, il arrivait à plusieurs groupes familiaux de pêcher ensemble, ces grands rassemblements étant l’occasion de s’échanger des cadeaux.
Il n’y avait pas de chef à proprement parler, en tout cas pas avant le XVIIème siècle, quand les Ojibwés ont commencé à avoir des contacts avec les marchands français. C’est durant cette période que les Ojibwés se sont spécialisés dans le commerce de fourrures.
L’aliment de base était le riz sauvage, tandis que le sucre d’érable servait d’assaisonnement principal. L’écorce de bouleau, elle, servait à fabriquer les wigwams, habitations en forme de dôme, et les canots.
Concernant la mythologie des peuples Ojibwés, il faut citer Nanabozo. Nanabozo est un être surnaturel, incarnant la vie et capable de la donner aux autres êtres. Métamorphe, il peut pendre la forme d’un corbeau, d’un coyote ou encore d’un lièvre (sous cette apparence, il porte le nom de Michabou). Ambivalent, Nanabozo est à la fois un esprit bienfaiteur et farceur.
Pour les Ojibwés, Nanabozo, fils d’une humaine et d’un esprit, est le créateur du monde.
Alors que la terre n’était qu’une immense étendue d’eau, Nanabozo fut celui qui, à partir d’un grain de sable, remplaça peu à peu l’eau par la terre. A mesure que le territoire s’étendait, les animaux se répartirent les milieux qu’ils jugeaient les plus adéquats.
Quand certains de ses compagnons animaux moururent, Nanabozo utilisa leurs corps pour créer les humains, à qui il apprit à pêcher et à chasser.
Le wendigo, le tabou du cannibalisme ?
Le wendigo (ou windigo) est une créature issue des légendes algonquiennes. Monstre cannibale, il imite des voix humaines pour attirer ses proies à lui, préférant la ruse à de longues traques dans la forêt.
D’apparence squelettique, le wendigo est élancé (il grandit au fur et à mesure de ses repas) et sa peau a la couleur des cendres grises. Son corps décharné dégage une odeur de putréfaction, tandis que sa bouche armée de dents pointues renferme une haleine fétide. Dans certaines légendes, le wendigo est coiffé de bois sur la tête.
C’est durant les grands froids que le wendigo apparaît, son appétit devenant alors insatiable. Doté d’une endurance surhumaine, le wendigo peut arpenter les sentiers de la forêt sans ressentir la fatigue. Pour le tuer, il faut lui arracher son cœur de glace, pour ensuite le faire fondre par le feu.
S’il personnifie la rudesse de l’hiver, le wendigo a aussi une dimension symbolique. Incarnation de la cupidité, le wendigo rappelle aux communautés aborigènes que le rejet des valeurs d’entraide et de partage peut mener au pire des châtiments. Quand on vit dans les forêts boréales, il faut se serrer les coudes et ne pas faire preuve d’égoïsme. Celui qui refuserait de respecter la solidarité du groupe serait condamné à la monstruosité. Isolé des autres, sans ressources, à la merci du froid, il deviendrait alors un mangeur de chair humaine : un wendigo.
Si le wendigo est le résultat d’un interdit primordial – celui de manger ses congénères, cet être cannibale peut aussi être créé par un rêve ou suite à la malédiction d’un shaman. Cela rappelle une autre légende, celle du Wechuge, de la tribu Athabaskan.
Dans le cas du Wechuge, la punition découle soit d’un tabou brisé, soit d’une puissance décuplée. Dans la mythologie du Castor, un individu devenu « trop fort » risque d’être possédé par l’esprit des anciens animaux géants, tels qu’ils étaient avant d’atteindre leur taille actuelle. Chez d’autres peuples, le Wechuge est un ancien être de glace, amateur de chair humaine. Comme le Wendigo, le Wechuge est une créature rusée, qui isole les membres de la tribu pour les dévorer. Selon la tradition, il faudrait le maintenir au-dessus du feu une nuit entière, afin de faire fondre son cœur de glace.
On le voit, pour ces tribus décimées par des hivers rudes, le cannibalisme est telle une épée de Damoclès, qu’il convient de diaboliser, afin d’assurer la survie de chacun.
Et vous, adhérez-vous à cette théorie sur les origines du Wendigo ? Dites-le-moi en commentaires ! 😉
Pour poursuivre votre lecture, pourquoi ne pas lire l’article consacré aux Croyances Amérindiennes ?
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Crédits Images :
-> Wendigo : By DracoLumina17 – Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=95218585
-> Carte des langues algiques : Par User:ish ishwar — Map redrawn and modified from two maps by cartographer Roberta Bloom appearing in Mithun (1999:xviii-xxi). Additional references include Mithun (1999:606-616), Goddard (1996) (contains a very nice color map), Sturtevant (1978-present), Campbell (1997:353-376)., CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=85131759
-> Carte de la répartition linguistique des Ojibwé : CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=534521
-> Agawa Rock : By D. Gordon E. Robertson – Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15941023
-> Pictogramme de Nanabozo : By D. Gordon E. Robertson – Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11634446