Histoire de France,  L'Epoque Contemporaine

La dernière épidémie de variole en France (1954)

Enfants atteints de la variole

Maladie infectieuse éradiquée dans les années 1980, la variole a connu un dernier épisode retentissant en France, durant les années 1954-1955.

Déclenchée par le rapatriement d’un militaire, elle provoquera une vingtaine de décès…

La variole : de quoi s’agit-il ?

Il semblerait que la variole – aussi appelée petite vérole – existe depuis la Préhistoire. La première véritable description de la maladie nous vient de Chine, et, c’est au fil des mouvements de population (invasions musulmanes et croisades surtout), que la variole s’est répandue à travers toute l’Europe.

Maladie infectieuse, la variole se manifeste par l’apparition de pustules, d’abord sur le visage, les bras et les jambes, avant de se répandre à la poitrine et à l’abdomen. Elle est extrêmement contagieuse et peut entraîner la mort. Au XVIIIème siècle, en Europe, on estime qu’environ 400 000 personnes perdent la vie chaque année, des suites de cette maladie. C’est d’ailleurs de la variole que mourra le roi de France Louis XV, en 1774.

Les pustules de la variole
Les pustules de la variole.

En plus de tuer, la variole peut laisser des séquelles sur les survivants, un quart de ceux lui survivant étant défigurés à jamais (ayant, par exemple, le visage grêlé), tandis que d’autres perdent complètement la vue.

Depuis la fin du XVIIème siècle, pour lutter contre la variole, l’Europe pratique un procédé venu de Chine : l’inoculation variolique ou la variolisation. La technique consiste à inoculer volontairement la variole, à partir de sujets faiblement malades ou déjà variolisés. Si la variolisation permet d’éviter, la plupart du temps, les formes graves de la maladie, elle a l’inconvénient de participer à sa propagation.

Et puis, dans les années 1790, une véritable révolution médicale va s’opérer. En mai 1796, le médecin anglais Edward Jenner a l’idée d’inoculer la vaccine des vaches (une forme atténuée de la variole humaine) à des humains n’ayant jamais contracté la maladie. Il pense – et l’avenir lui donnera raison – que la vaccine peut être un moyen de se prémunir contre les formes graves de la variole, puisqu’il a remarqué que les vachers (ces individus en contact permanent avec la variole des vaches) semblent immunisés contre la variole humaine.

Edward Jenner injecte la vaccine à un enfant
Edward Jenner injecte la vaccine à un enfant.

Tout au long du XIXème siècle, les travaux de Jenner vont être appréciés et adoptés, jusqu’à mener, dans les années 1980, à la complète éradication de la variole de la surface de la Terre. Un certain Louis Pasteur s’en inspirera d’ailleurs, en 1885, pour mettre au point son vaccin contre la rage.

Car oui, ce que l’Anglais Edward Jenner a théorisé et expérimenté, ce n’est rien d’autre que la toute première vaccination de l’Histoire. Un mot qu’il a fabriqué à partir de deux termes latins : vacca qui veut dire « vache » et vaccinia qui signifie « vaccine ». Les vaccins, malgré toutes les polémiques qu’ils peuvent engendrer, sont nés et voués à la prospérité !

Pour en apprendre davantage sur les origines de la vaccination : ma vidéo sur le sujet 😉

Un militaire français rapporte la variole dans ses bagages…

11 novembre 1954. France.

Un sergent parachutiste, rapatrié de Saïgon (Viêt Nam), est hospitalisé à l’hôpital militaire Percy, près de Paris. Le 17, l’homme obtient une permission et décide de rendre visite à sa famille, installée à Vannes, en Bretagne. Une semaine plus tard, se sentant mal, le militaire est de nouveau admis à l’hôpital Percy, où on lui diagnostique le syndrome de Guillain-Barré, caractérisé par une grande faiblesse musculaire et qui peut dégénérer en paralysie. Cependant, le corps médical ne s’alarme pas outre mesure, puisque l’homme retrouve assez vite l’usage de ses membres. Et, comme aucune pustule n’est apparue sur la peau du militaire, personne ne songe à la variole.

Jenner vaccine le jeune James Phipps, âgé de 8 ans, en 1796
Jenner vaccine le jeune James Phipps, âgé de 8 ans, en 1796.

Sauf que… dès le 7 décembre, le fils du militaire, Daniel Debuigny, alors âgé de 18 mois, présente une fièvre éruptive et doit être hospitalisé. Mais, une fois de plus, personne ne suspecte la variole, les médecins penchant plutôt pour une varicelle aggravée ou un Pemphigus staphiloccocique (une maladie dermatologique). Pourtant, c’est bien de la variole qu’est atteint Daniel, le petit garçon n’ayant jamais été vacciné. Son père, à qui personne n’a diagnostiqué la variole, n’a sans doute pris aucune précaution particulière et transmis la maladie à son jeune fils.

La rumeur publique dira, à tort, que Daniel a été contaminé par un pyjama que son père avait acheté au marché de Cholon. En fait, si, à l’automne 1954, le Viêt Nam a bien été touché par une épidémie de variole qui causera 56 décès, c’est plutôt à l’hôpital que le militaire aura contracté la maladie.

Si Daniel guérit rapidement, c’est son médecin traitant, le pédiatre George Cadoret, qui contracte à son tour une « forte grippe », ce qui l’oblige à s’aliter jusqu’au 25 décembre. Plus tard, on en déduira que le médecin avait attrapé une variole bénigne, sans doute atténuée par une vaccination antérieure.

De retour à l’hôpital Chubert, Cadoret découvre que trois enfants, dont une âgée de 6 mois, présentent des « plaies rouges et brûlantes », ce qu’il assimile aux symptômes d’une varicelle. Le 31 décembre, ce sont 6 nouveaux enfants en bas âge qui se présentent à son cabinet. Le pédiatre, assisté par un médecin colonial à la retraite, fait alors le lien avec la variole et alerte les autorités compétentes.

Vaccination d'un jeune enfant
Vaccination d’un jeune enfant.

C’est le 3 janvier 1955 que l’institut Pasteur de Paris dévoile les résultats de ses analyses : les prélèvements obtenus sur les malades de Vannes démontrent une infection par la variole. La même journée, la petite patiente âgée de 6 mois décède. La variole, jusque là cantonnée au seul hôpital, se répand à l’extérieur, provoquant chaque jour de nouveaux cas, le pic de l’épidémie étant atteint le 9 janvier.

En février, l’épidémie ressurgit brièvement à l’hospice de Vannes, où 7 cas sont détectés parmi les personnes âgées, dont l’une finira par décéder. Il semblerait que l’un des résidents ait récupéré des journaux à l’hôpital (pour les revendre) et, comme le papier avait été en contact avec les malades de l’hôpital, on pense que c’est ainsi que la variole s’est propagée dans l’hospice. Plus tard, d’autres cas se déclarent dans un hôpital et un hospice de Brest.

C’est le 11 mai 1955 que s’achève la dernière épidémie de variole en France.

Mesures et bilan

Campagne de vaccination contre la variole, Vannes, 1955
Campagne de vaccination contre la variole, Vannes, 1955.

L’une des premières mesures prises, à partir de janvier 1955, a été de confiner le service de pédiatrie de l’hôpital de Vannes, puis l’hôpital dans son ensemble. Le 3 janvier, les autorités décident d’organiser une campagne de vaccination exceptionnelle, vaccinant ceux qui ne l’ont jamais été et revaccinant les autres. C’est le médecin-inspecteur Guy Grosse qui dirige la lutte contre l’épidémie, lui-même se refaisant vacciné dès le premier jour de cette campagne. Ceux qui sont infectés et non hospitalisés doivent, pour leur part, rester isolés chez eux.

Ce sont 250 000 habitants de la circonscription de Vannes qui sont vaccinés, en à peine quelques jours. Malheureusement, Guy Grosse, très investi dans sa mission, contracte la variole et doit être transporté à l’hôpital le 17 janvier. Il finira par mourir le 24 janvier 1955, à l’âge de 44 ans, des suites d’une variole hémorragique (rare mais mortelle). Pierre Mendès France parlera de lui comme d’une victime de son devoir, rappelant qu’il fût un « médecin d’une qualité et d’un dévouement exceptionnels ».

Le 27 janvier, Guy Grosse sera fait, à titre posthume, chevalier de la Légion d’honneur. André Amphoux, médecin chef de l’hôpital de Vannes, qui sera lui aussi infecté par la variole, dira que si l’épidémie s’est tant propagée, c’est : « parce que beaucoup de familles se sont dérobées à la vaccination obligatoire des enfants contre la variole » (mise en place en 1902).

Guy Grosse. Sur sa tombe, il est écrit « Tombé au combat contre la variole ».
Guy Grosse. Sur sa tombe, il est écrit « Tombé au combat contre la variole ».

Assez rapidement, la nouvelle d’une épidémie de variole en France se répand, attirant des médecins venus d’Allemagne, d’Angleterre et même de Norvège. Dans la presse, les journaux et les revues participent à la propagation de rumeurs alarmistes, engendrant un mini phénomène de « panique générale ». On peut lire que l’épidémie est « grave à l’extrême », que « les cercueils affluent », que « des milliers de cas » se sont déclarés ou encore cette phrase sensationnaliste : « On parle de fermer le département ; personne ne pourra plus y pénétrer ni en sortir ! ».

Le véritable bilan de l’épidémie bretonne est le suivant : 98 cas ont été détectés (74 dans le Morbihan et 24 dans le Finistère) et 20 individus sont décédés (16 à Vannes et 4 à Brest). Parmi les 74 malades du Morbihan, 18 étaient des enfants de moins de 10 ans, dont 15 n’ayant jamais été vaccinés. Ils seront 5 à mourir, dont 3 âgés de moins d’un an.

En ce qui concerne les médecins, mis à part Guy Grosse, tous ont survécu, prouvant que le vaccin utilisé à l’époque était efficace. Malgré tout, l’épidémie bretonne sera la plus meurtrière des résurgences de la variole en France, en comparaison de celle de 1942 à Paris (60 cas) ou de 1952 à Marseille (30 cas).

Le souci, c’est que, depuis des années, les parents et le corps médical avaient peu à peu abandonné la vaccination contre la variole. Pourquoi ? Car les cas de variole étaient rares, car on redoutait de rares mais possibles complications liées à la vaccination, bref, on pensait la variole éradiquée du territoire français.

On peut lire, dans la presse de l’époque, le témoignage d’une mère de famille : « Je sais que la vaccination peut être dangereuse. Il y a eu des cas d’encéphalites et des gosses en sont morts ». Mère qui, d’ailleurs, refusera de faire vacciner ses filles.

Et vous, aviez-vous déjà entendu parler de cette dernière épidémie de variole en France ? Dites-le-moi en commentaires ! 🙂

Je vous rappelle que j’ai consacré une vidéo aux origines historiques de la vaccination : cliquez ici !

Si vous avez envie de découvrir un sujet plus « léger », pourquoi ne pas lire l’article consacré à la Fête des Fous, une étonnante tradition médiévale ?

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Merci d’avance et à bientôt, pour une nouvelle Histoire de l’Ombre… ❤

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