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Anne Bonny : le parcours d’une femme pirate !

illustration d'Anne Bonny
Illustration par Julija Supova.

Venez découvrir l’incroyable parcours de vie d’Anne Bonny, femme pirate du XVIIIème siècle !

Un début de vie mouvementé !

Anne Bonny est née vers 1700, à Cork, en Irlande. Elle est la fille d’un notaire influent de la ville, William Cormac, et de l’une des servantes de la famille. À la naissance d’Anne, le scandale éclate et Cormac perd la majorité de sa clientèle. Pour fuir les mauvaises langues, il décide d’embarquer pour la Caroline du Sud (États-Unis), accompagné de son amante Mary et de leur bébé. Sur place, le père se fait une petite fortune, investissant dans des plantations à Charleston.

Concernant Anne, il semblerait que son père l’ait élevée comme un garçon, l’habillant de vêtements masculins. On dit d’elle qu’elle est jolie et intelligente, mais aussi capricieuse et tête brûlée, refusant tous les canons de la « jeune fille de bonne famille ». Vers 17 ans, Anne, qui a l’habitude de fréquenter les tavernes du coin, fait la rencontre d’un marin (pirate à ses heures) prénommé James Bonny. Sur un coup de tête, elle décide de l’épouser. Les jeunes époux rallient New Providence, aux Bahamas.

Les Bahamas, dans l'océan Atlantique
Les Bahamas, dans l’océan Atlantique.

Il se dit, qu’avant de partir pour les Bahamas, Anne aurait mis le feu aux plantations de son père. Le geste se voulait vengeur, le paternel ayant déshérité sa fille car il était mécontent de la voir épouser un si mauvais parti. Là-dessus, on peut sans doute donner raison au père puisqu’il se dit que James Bonny n’en avait qu’après l’argent d’Anne. On dit même que Bonny était un informateur de Woodes Rogers, un chasseur de pirates. Outrée de cette trahison et de la nouvelle vie rangée de son mari (James s’est reconverti en pêcheur), Anne finit par le quitter pour un « vrai pirate ».

D’ailleurs, qu’est-ce qu’un pirate ? Il s’agit d’individus qui agissent comme des bandits de grand chemin mais sur mer. Ils semblent exister depuis que la navigation existe. A l’inverse des corsaires, « pirates légitimes », le pirate peut attaquer qui il veut, quand il veut et il ne prête allégeance à personne.

À une époque où la misère est légion, la piraterie est un univers attractif puisqu’elle offre solidarité (le butin est partagé à parts égales), abondance (il y a toujours de quoi se nourrir), honneur (il y a un code à respecter) et une relative sécurité (en cas de blessure, une sorte d’assurance santé assure de pouvoir se soigner). Pour une femme, l’attrait est d’autant plus grand que cette carrière, bien qu’elle n’offre qu’une espérance de vie courte, lui permet d’être libre et maître de son destin.

La rencontre avec Calico Jack

Après s’être séparée de James Bonny, Anne va rester à New Providence et se faire appeler Adam Bonny. C’est vers 1718 qu’elle rencontre Jack Rackham, un pirate notoire de la région. Plus connu sous le surnom de Calico Jack, Rackham écume les mers à bord du Revenge, navire au sommet duquel flotte son dérivé du Jolly Rogers. Sur un fond noir, l’étendard affiche un crâne humain et deux sabres qui se croisent. Vision d’horreur pour tous les navires qui passent à portée des canons du Revenge !

L'étendard de Calico Jack
L’étendard de Calico Jack.

A bord du Revenge, Anne Bonny devient le second de Rackham. Le capitaine sait qu’Anne est une femme (on leur prête une liaison) et il n’a aucun problème à l’intégrer à son équipage. Après tout, Anne ne manque pas de courage et elle sait cacher sa féminité lorsque c’est nécessaire. Sur ce point, il se peut que vous soyez surpris mais, contrairement à l’image un peu clichée que l’on a aujourd’hui de la piraterie, il a existé des capitaines très ouverts d’esprit. Pour ces derniers, ce n’est pas le sexe qui fait le pirate mais sa bravoure.

Alliés, Anne Bonny et Calico Jack ont la même vision de la piraterie. Contrairement à beaucoup de leurs homologues, ils refusent tous deux l’amnistie générale octroyée par le roi d’Angleterre George Ier en 1718. Hors de question qu’ils renoncent à la piraterie, même si la Couronne anglaise leur promet, en échange, d’oublier leurs méfaits et d’effacer leur « casier judiciaire ». Pirate un jour, pirate toujours !

Toutefois, il ne faut pas imaginer le duo à la tête d’un immense équipage – ils sont une vingtaine – ou très actif. La plupart du temps, Rackham et ses hommes s’attaquent à de petites embarcations et récoltent de faibles gains : un peu de tabac, quelques épices, des denrées alimentaires. Bref, de quoi survivre mais le butin est bien maigre en comparaison d’autres pirates qui, eux, ont marqué cet « âge d’or de la piraterie » (1650-1720).

Le duo devient un trio !

C’est vers 1718, alors qu’ils font escale à New Providence, qu’Anne Bonny et Rackham font la connaissance d’un pirate prénommé Willy Read. Jeune et déterminé, Willy n’a aucun mal à se faire embaucher sur le Revenge. Sauf que, bien vite jaloux de la relation qu’entretiennent Anne et Willy, Calico Jack va les faire espionner.

Ce qu’il va découvrir, ce n’est pas une liaison amoureuse, mais plutôt la véritable identité du nouveau matelot. Willy, bien qu’il s’habille d’habits masculins, n’est pas un homme ! Il s’appelle en fait Mary et il s’est engagé dans la piraterie pour échapper à une vie miséreuse. Si vous voulez en apprendre davantage : ma vidéo sur Mary Read 🙂

Mary Read et Anne Bonny
Mary Read et Anne Bonny.

Très peu de temps après la formation du redoutable trio Calico Jack, Anne Bonny et Mary Read, le gouvernement britannique décide d’envoyer plusieurs bâtiments de guerre à leur poursuite. Un décret, daté du 5 septembre 1720, déclare que : « l’ensemble de l’équipe de Rackham doit être capturé et jugé ». Autrement dit, il faut les pendre !

Sans crainte, le trio de pirates poursuit sa brillante carrière, attaquant tous les navires qui passent à portée de leurs canons. Pour un pirate, tout est bon à prendre… Les esquifs de pêcheurs permettent de récupérer des matelots et des denrées alimentaires, tandis que les goélettes dédiées au commerce enrichissent le butin global (argent, tabac, alcool, épices). Bref, le pillage, ça rapporte.

Le début de la fin

C’est le 21 octobre 1720 que la roue tourne pour l’équipage du Revenge. Le gouverneur de la Jamaïque, Sir Nicholas Lawes, exaspéré des exactions commises par la bande de pirates, fait armer un navire et nomme à son commandement le capitaine Jonathan Barnet. Après un semblant de course poursuite, Barnet aborde le navire de Calico Jack sans difficulté, ce dernier et ses hommes étant trop saouls pour lever le petit doigt. Réfugiés dans les cales du Revenge, ils attendent passivement d’être capturés.

Seuls deux pirates vont résister corps et âme, durant une heure acharnée de combat, avant d’être forcés de se rendre. Vous l’aurez deviné, nos deux héros sont en fait des héroïnes : Mary Read et Anne Bonny. La légende dit que, révoltées devant la lâcheté de leur capitaine, elles s’en seraient pris à Rackham et l’auraient blessé.

Une femme se disant témoin de l’attaque, une certaine Dorothy Thomas, la décrit ainsi : « […] les deux femmes, prisonnières à la barre, étaient alors à bord dudit sloop, et portaient des vestes d’homme, des pantalons longs, et des mouchoirs sur la tête; et chacune d’entre elles avait une machette et un pistolet dans les mains […] ».

Anne Bonny et Mary Read.
Anne Bonny et Mary Read.

Enfermée dans les geôles de Santiago de la Vega – aujourd’hui Spanish Town, en Jamaïque, la bande de Calico Jack attend son procès. Tous risquent la pendaison. C’est le 16 novembre 1720 que Jack et huit membres de son équipage sont jugés devant la cour d’amirauté. Anne et Mary, dont la véritable identité a été découverte, ne sont pas présentes et doivent être jugées lors d’un autre procès.

Plaidant non-coupables, les pirates ont l’audace de dire qu’ils ont défendu les intérêts de la Couronne anglaise, puisqu’ils n’ont fait qu’attaquer des navires espagnols. Bien sûr, les juges réfutent ces arguments, qu’ils qualifient de « vaines et lamentables excuses », et les condamnent tous à être pendus.

La légende raconte, qu’avant de monter au gibet, Calico Jack aurait demandé à voir une dernière fois Anne Bonny, celle qui fut son second et peut-être son amante. Mais, toujours en colère de l’attitude lamentable de son ancien capitaine, Anne lui aurait dit ceci : « Je regrette de vous voir dans un tel état, mais si vous vous étiez battu comme un homme, vous n’auriez pas à mourir comme un chien ».

Les procès de Rackham et des autres pirates
Les procès de Rackham et des autres pirates.

De leur côté, Anne Bonny et Mary Read sont jugées le 28 novembre 1720. Les juges n’ont aucune clémence pour les deux femmes, qui sont à leur tour condamnées à mort. Mais, comme elles affirment être enceintes, leur peine est commuée, au moins jusqu’à la fin de leur grossesse. En effet, le droit anglais, très puritain, interdit de mettre à mort des femmes enceintes. Quant à savoir si Mary et Anne disaient la vérité, nul ne le saurât jamais.

Qu’est devenue Anne Bonny ?

En attendant la naissance de leurs enfants, Anne Bonny et Mary Read sont envoyées en prison. Mais, à peine quelques mois après avoir été enfermée, Mary perd la vie, sans doute emportée par la fièvre jaune. Les archives de la paroisse St. Catherine en Jamaïque montrent que Mary Read a été enterré le 28 avril 1721, à Port Royal.

Anne Bonny, elle, sera finalement graciée, sans doute aidée par l’aura et la fortune de son père. Sortie de prison, Anne disparait de l’Histoire et l’on ne peut que spéculer sur ce qu’elle est devenue. Il semble légitime de penser que la jeune femme a rejoint le domicile familial et qu’elle s’est « rangée ». On peut parfois lire qu’elle serait morte en 1782 mais faut-il vraiment le croire ?

illustration mary read

D’ailleurs, il y a énormément d’éléments concernant la vie d’Anne Bonny sur lesquels on peut douter. En effet, la plupart des éléments biographiques dont nous disposons à son propos proviennent d’une seule et unique source, à savoir l’ouvrage : Histoire générale des plus fameux pirates.

Publié en 1724, le volume sort peu de temps après les faits, ce qui est plutôt un bon point. Là où le livre pose problème, c’est vis-à-vis de son auteur. Il aurait été écrit par un certain Captain Charles Johnson. Problème : l’homme n’a laissé aucune trace dans l’Histoire. Alors, ne s’agit-il que d’un pseudonyme, peut-être celui de Daniel Defoe – l’auteur de Robinson Crusoé ? Si c’est le cas, on ne peut qu’être prudents.

illustration anne bonny

Si l’on admet que Charles Johnson était un écrivain et non pas un pirate contemporain des faits, tout ce qui a été écrit sur Anne Bonny (et Mary Read) doit être analysé avec finesse. En particulier toutes ces anecdotes « scandaleuses » qui entourent les deux femmes pirates. Par exemple celle qui raconte qu’Anne et Mary avaient l’habitude, avant de tuer des hommes, de leur dévoiler leur sexe en leur montrant leur poitrine. Ou encore celle qui fait d’elle des amantes. Peut-être est-ce vrai, peut-être est-ce faux. Une chose est sûre : méfiance. Ce ne serait pas la première fois qu’un écrivain aurait romancé un récit historique pour vendre davantage !

Et vous, connaissiez-vous l’histoire d’Anne Bonny ? Que vous inspire-t-elle ? Dites-moi tout dans les commentaires 🙂

N’oubliez pas d’aller visionner ma vidéo consacrée à Mary Read : cliquez ici !

Si vous avez envie de rester dans l’univers maritime, vous pouvez aussi lire l’article consacré à la mystérieuse expédition de La Pérouse !

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Merci d’avance et à bientôt, pour une nouvelle Histoire de l’Ombre… ❤

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