Histoire de France,  Le Moyen-Âge

La Fête des Fous

Voici sans doute l’une des fêtes les plus incongrues ayant jamais existé : la Fête des Fous.

Vous allez le voir, on savait s’amuser au Moyen Âge…

Sommaire

  1. Les origines de la Fête des Fous.
  2. Le déroulé des festivités.
  3. La disparition de la Fête des Fous.

Les origines de la Fête des Fous

Aussi appelée « Fête des Innocents » ou « Fête de l’âne », la Fête des Fous trouve ses origines dans le Moyen Âge européen. Elle est attestée dans le Nord de la France dès le XIIème siècle et perdurera jusqu’au XVIIème siècle. Sûrement dérivées des Saturnales et des Bacchanales romaines, les festivités ont pour but d’honorer l’âne qui porta Jésus lors de son entrée à Jérusalem.

Les célébrations débutent le 26 décembre par la Fête des sous diacres. Ce jour-là, des diacres complètement imbibés d’alcool doivent élire parmi eux un évêque des fous, parfois appelé « pape des fous ».

Le jeune clerc décoré du titre d’Episcopus stultorum est alors béni et revêtu des ornements pontificaux. Coiffé d’une mitre et tenant une crosse, il est assis sur le prétendu trône pontifical et parade dans les rues, faisant mine de bénir les badauds. Parfois, plutôt qu’un diacre, c’est un profane qui est nommé pape des fous.

Quasimodo, le Roi des fous, gravure de 1878
Quasimodo, le Roi des fous, gravure de 1878.

Il s’agit d’un renversement des rôles intéressant puisque les individus les « moins gradés » (les plus jeunes) de l’Église prennent, le temps de quelques journées, la place de leurs supérieurs (les plus âgés).

Et c’est bien là tout l’enjeu de la Fête des Fous : parodier l’univers ecclésiastique en multipliant les effets d’inversion. Ainsi, les chants liturgiques, d’ordinaire sacrés, deviennent des chants profanes, dans les stalles, on change de place, celui qui prononce le sermon solennel est un évêque des fous, etc.

Cette inversion symbolique de la hiérarchie, la Fête des Fous semble l’avoir empruntée aux Saturnales romaines. En effet, durant celles-ci, les hauts-placés quittaient la toge pour une tunique, vêtement de pauvre, tandis que ceux qui étaient d’ordinaire les serviteurs devenaient les maîtres.

Autrement dit, une fois par an, l’ordre social était totalement renversé, les maîtres servant ceux qui, le reste de l’année, étaient leurs esclaves.

Toutefois, il ne faut pas non plus voir dans les festivités médiévales un total relâchement, où rien n’est contrôlé. Il y a eu des tentatives d’encadrement, comme celle proposée par Pierre de Corbeil, un célèbre professeur de théologie de son temps. Et puis, certains rituels continuent d’être respectés, comme celui de l’eucharistie, qui est refusé à l’évêque des fous car il n’appartient pas aux ordres majeurs.

Le déroulé des festivités…

Après cette cérémonie pour le moins surprenante, la Fête des Fous est officiellement lancée. Nous sommes alors le 1er janvier et les festivités doivent durer jusqu’à l’Épiphanie, le 6 janvier. La date n’est pas anodine et reprend une vieille tradition romaine, celle des mascarades. En effet, pour fêter le Nouvel An, les Romains avaient l’habitude de se travestir et de porter des masques, soit d’animaux, soit de démons.

Dans les églises, les évêques des fous sont conduits à l’intérieur des monuments religieux, afin d’y célébrer une parodie de messe. C’est un véritable show. Les clercs sont déguisés – en comédiens, en bouffons, en femmes -, leurs visages sont couverts de suie ou d’un masque terrifiant. Quand ils entrent dans les édifices religieux, ils chantent des chansons obscènes à tue-tête et dansent comme de joyeux lurons.

Fête des fous dans une cathédrale
Fête des fous dans une cathédrale, gravure de 1752.

À l’intérieur de l’église, sur l’autel, on peut voir des diacres et des sous-diacres jouer aux dés, dévorer des boudins et des saucisses, tandis que d’autres font brûler leurs chaussures dans les encensoirs. Gardez quand même en tête le fait que les sources les plus abondantes sur le sujet sont des textes condamnant la pratique, il est donc possible que ces comportements délurés soient rares, ou tout du moins exagérés.

Ce simulacre de messe achevé, l’alcool continue de couler à flot, on danse dans la nef, avant d’ouvrir les portes de l’église et de poursuivre la fête dans les rues. La fête s’élargit alors à l’ensemble de la population, brisant la frontière habituelle entre clercs et laïcs.

Brisant la monotonie du quotidien, la Fête des Fous est l’occasion de réjouissances populaires : on donne des spectacles – magie, mime, théâtre, on fait des farces, on se déguise.

La disparition de la Fête des Fous.

Sans grande surprise, ces festivités aux mœurs débridées ont fini par déranger. L’attitude des clercs qui, pendant cette période, peuvent se comporter de manière totalement indécente – ils sont ivres, ils fréquentent des femmes, ils se battent dans les rues -, exaspère une partie de la hiérarchie, qui juge ces agissements parfaitement scandaleux.

Toutefois, ce n’est pas un point de vue partagé par tous. D’autres clercs considèrent que la Fête des Fous est un rituel de transgression nécessaire, en ce sens où il permet de rompre (pour un temps limité) avec les contraintes sociales. En gros, si les religieux sont irréprochables la majorité de l’année, c’est parce que le Nouvel An leur offre un temps hors du temps, durant lequel ils peuvent souffler et relâcher la pression.

Un jeune évêque des fous, gravure du XIXe siècle
Un jeune évêque des fous, gravure du XIXe siècle.

Mais, tout au long de l’existence de la Fête des Fous, certains vont tenter de l’interdire. Ainsi, dès le XIIème siècle, Pierre de Corneil, dont on a déjà parlé, va se joindre à l’évêque Odon de Sully (aussi connu pour avoir voulu éradiquer les jeux d’échecs) pour tenter de faire supprimer la Fête des Fous. Sans succès.

En vérité, jusqu’au XVème siècle, les mesures vont surtout viser à encadrer le rituel, plutôt qu’à le bannir. Il faut dire que c’est un événement très populaire, aussi bien chez les clercs que chez les laïcs.

Puis, au XVème siècle, la donne change. Avec l’émergence de la Réforme et de la Contre-Réforme, c’est encore pire, puisque les deux camps vont combattre la Fête des Fous.

Les protestants condamnent ce qu’ils considèrent être une « superstition populaire », tandis que les catholiques ont de plus en plus de mal à accepter une tradition qui se moque du monde clérical, déjà mis à mal par la Réforme. Bref, les interdictions vont se multiplier, notamment lors des Conciles (Bâle, Trente).

Charivari du Roman de Fauvel, miniature du XIVe siècle
Charivari du Roman de Fauvel, miniature du XIVe siècle.

Finalement, la Fête des Fous cède la place à Noël, un temps sacralisé par l’Église, où tout débordement semble exclu. C’est plus tard dans l’année, au moment de Carnaval, que les festivités médiévales semblent ressurgir. Même si, désormais, la tradition est devenue laïque, abolissant cette inversion symbolique du monde ecclésiastique qui faisait l’essence même de la Fête des Fous.

Et vous, connaissiez-vous la Fête des Fous ? Dites-le-moi dans les commentaires 😉

Si vous aimez la période du Moyen Âge, pourquoi ne pas lire l’article consacré aux Danses Macabres ?

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Merci d’avance et à bientôt, pour une nouvelle Histoire de l’Ombre… ❤

2 commentaires

  • MEESSEN Alain

    À Sainte-Walburge, quartier des hauteurs de Liège, fille de Meuse, nous faisons la Fête des Fous depuis 50 ans maintenant, en faisant revivre ce folklore subversif qui s’était perdu dans les brumes du temps.
    Depuis 50 ans, il y a chaque année un thème original sur base duquel les festivités ont lieu, en conviant les participants à s’en servir dans l’innovation et la crativité.
    C’est la 2e fête en importance à Liège, après le 15 aout et elle le talonne.
    Elle invite chaque année les Fous du monde entier à venir festifoler pendant quelques jours exceptionnels.
    Si ça vous intéresse de voir l’Histoire en marche, allez faire un tour sur le site.
    Folles amitiés.

    • AudreyFeather

      Merci beaucoup pour votre partage, j’ai effectivement pu consulter divers articles à propos du Jubilé de cette grandiose Fête des Fous, le programme était justement… « fou » !
      C’est très intéressant de voir comment des traditions survivent, tout en s’adaptant à leur époque.
      Pour ma part, je n’avais jamais entendu parler de cette fête et je suis très contente de l’avoir découverte à travers votre témoignage. Je lui souhaite de perdurer et de garder sa « folle » ambiance ! 60 000 personnes pour cette 50ème édition, c’est un sacré succès !
      Si j’ai un jour l’occasion d’y assister, je ne manquerais pas d’en reparler sur ce site ! Merci encore.

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