Le vaudou : au-delà des clichés…
Poupées piquées d’aiguilles, pattes de poulet, sacrifices sanglants, le vaudou traîne son lot de clichés…
Et si on revenait aux sources ?
D’où vient le vaudou ?
Le vaudou (de vodoun, « esprit » dans la langue fon) est originaire de l’actuel Bénin, en Afrique de l’Ouest.
A l’époque où le vaudou naît, la zone est occupée par divers peuples africains, dont les Fon, les Ewe et les Yorubas. Cela nous amène à un premier point d’importance : le vaudou n’est pas un. Il a subi des influences diverses, et sa pratique reste encore très diversifiée, selon le terreau dans lequel il a évolué.
C’est vers 1600 qu’est crée le Royaume d’Abomey (retranscrit par les colons français en Royaume du Dahomey), au sud-ouest du Bénin. Le royaume prospère grâce au rôle qu’il joue dans le commerce d’esclaves. Pratiquant des raids dans les régions voisines, les rois bâtissent de véritables fortunes en vendant, chaque année, des milliers d’Africains aux négriers. C’est en Abomey que l’on retrace traditionnellement la généalogie du vaudou.
Pour la petite histoire, c’est après une période coloniale française d’environ un siècle, que le Dahomey devient indépendant ; avant d’adopter, en 1975, le nom de Bénin.
Avec le commerce triangulaire (Europe-Afrique-Amérique), le vaudou débarque dans le « Nouveau Monde« . Dans chaque contrée qu’il atteint, le vaudou prend des formes diverses.
A Saint Domingue (actuel Haïti), il adjoint une dimension vengeresse à ses origines bienveillantes. En Louisiane, il imprègne les lieux d’une ambiance mystique, qui se cristallise dans la personne de Marie Laveau. A Cuba, avec la Santería, il tente le syncrétisme entre les croyances du peuple Yoruba et la religion catholique. Au Brésil, avec une variante comme le Candomblé Jejé, il est encore très populaire en ce XXIème siècle.
Pas d’inquiétude, on aura l’occasion de reparler de tout ça !
Les Fon, les Ewe et les Yorubas
A l’origine du vaudou, on trouve donc plusieurs ethnies de l’Afrique de l’Ouest. Parmi elles, les Fon et les Ewe, qui descendraient du peuple Aja, lui-même originaire de Tado (un village à la frontière entre le Togo et le Bénin, devenu la capitale du Pays-Aja). Selon la tradition, ce serait un descendant Aja qui aurait fondé Abomey, après avoir épousé une personne du peuple Yoruba, qui vivait alors sur le plateau d’Abomey. Si les origines réelles de chaque peuple restent controversées, il faut noter que les Aja, les Fon et les Ewe appartiennent au même groupe linguistique, celui des langues gbe.
NDA. Oui, ça fait beaucoup de noms en même temps, on s’accroche et on ne se plaint pas (parce que je vous ai mâché le travail là!).
Aujourd’hui encore, Tado est un lieu de pèlerinage où, chaque mois d’août, les Aja viennent prier leurs esprits ancestraux. En particulier un, celui de Togbui-Anyi. Selon la légende, Togbui-Anyi est celui qui a débarrassé Tado (alors nommé Ezame) de la famine et des maladies. Usant de magie, il a accompli l’impensable, en échange de la promesse d’être nommé roi. C’est ainsi qu’un étranger, Togbui-Anyi, est devenu le roi d’Ezame, qu’il a renommé Tado. Tado signifie « enjamber » puisque, désormais, tous les maux « enjamberaient » le royaume des Ajas.
Puisque l’on parle des lieux importants du vaudou au Bénin, mentionnons Ouidah, un ancien fort portugais très actif dans le commerce d’esclaves. Surnommée la « capitale du vaudou« , Ouidah abrite plusieurs sites sacrés.
D’abord, le Temple des Pythons, où l’on vénère le serpent Dangbé. Dans le panthéon vaudou, Dangbé est la divinité du vent, symbolisée par le serpent, car, comme l’animal, le vent est en perpétuel mouvement. A Ouidah, on trouve également la forêt sacrée de Kpassè, qui abrite les statues de nombreuses déités du vaudou, telles que Mami Wata (une divinité aquatique) ou Sakpata (divinité de la terre et des maladies éruptives), et où se déroulent des cérémonies rituelles.
Enfin, mentionnons le Palais Houxwé. Foyer de la dynastie Houxwé (une lignée ininterrompue de chefs spirituels depuis 1452), il est aujourd’hui le lieu de résidence du Daagbo Hounon (le « Dalaï-lama » du vaudou) et de ses conseillers. Ce groupe d’individus représente une autorité morale, judiciaire, politique et religieuse très importante dans le pays. Ce sont eux qui sont chargés d’entretenir les traditions vaudous et d’organiser les cérémonies en lien avec le culte.
Autre peuple qui a partie prenante dans l’émergence du vaudou : les Yorubas. Les Yorubas, ce sont des individus aux origines mythologiques, dont on retrouve le plus de traces au Nigéria.
Selon les croyances locales, c’est Olodumare, le Dieu Suprême, qui a ordonné à Obatala de créer la Terre. Mais, ivre (en gros, Obatala a eu le temps de créer la Terre, puis il est revenu pour modeler le premier homme à partir d’argile mais, éreinté, il a bu un coup et le résultat de ses expérimentations n’étant pas top, il s’est assoupi), il a été supplanté par son frère Oduduwa, qui est devenu le véritable ancêtre des Yorubas.
Les descendants d’Oduduwa se sont dispersés pour créer divers royaumes, dont Edo et Oyo. Ce dernier royaume entrera d’ailleurs en conflit avec son voisin Abomey, au cours du XVIIème siècle.
Dans les traditions Yorubas, Shango, troisième roi d’Oyo, tient une place particulière. Roi guerrier, son règne de sept ans a été marqué par de violents conflits avec les royaumes voisins. Dans le Nigéria actuel, Shango est encore invoqué lors de l’intronisation d’un nouveau roi. Bien que craint, Shango est l’Orisha le plus puissant et l’un des plus populaires. Il est l’Orisha de la foudre et du tonnerre mais aussi le garant de la justice.
Pour plus de représentations de Shango, voir ici et là.
Les Orishas
Dans les traditions Yorubas, les Orishas sont des esprits envoyés par Olodumare, le Dieu Suprême, pour aider à la création et à la direction des humains. Il est important d’évoquer les Orishas lorsque l’on cherche à établir les origines du vaudou. En effet, le vaudou est un mélange des croyances de divers peuples, dont font partie intégrante les Orishas, que l’on présente souvent comme les « cousins » des Vodun d’Abomey ou des Lwas de Haïti et de la Louisiane.
Sans entrer dans les détails de la spiritualité liée aux Orishas (ils auront droit à leur article si ça vous tente), il faut comprendre que les Orishas sont liés aux forces de la nature. Grosse nuance toutefois… Un Orisha n’est pas à proprement parler une force de la nature (l’eau, le feu…). Il est un ancêtre divinisé, qui a foulé la Terre à son commencement, et qui a noué des liens si étroits avec les éléments naturels, qu’il est plus ou moins à même de les contrôler.
Intermédiaires des humains, les Orishas peuvent accéder aux demandes des fidèles, à condition de contreparties – comme des offrandes et des sacrifices. Les Orishas (et les Vodun du peuple fon) ont donc une double dimension, à la fois humaine et divine.
En Afrique comme en Amérique, l’un des Orishas, Vodun, Orixás, les plus importants est Legba (en langue fon) ou Exu (en langue yoruba).
Orisha messager, Legba est le principal intermédiaire entre les humains et les divinités. Il est celui qui reçoit les premières offrandes car il est celui qui ouvre la barrière avec l’Orun, le monde spirituel, et celui qui veille sur les constructions humaines. En plus d’être un intermédiaire, Legba est l’Orisha de la réflexion et des croisements.
Versatile, il n’est ni bon, ni mauvais. Ses attributs les plus populaires sont une canne, un chapeau de paille et une pipe. Pour mieux l’admirer, voir ici et là. Reconnaissons-le, il a la classe !
Si l’article vous a plu, n’hésitez pas à me le dire en commentaire et à aller regarder ma vidéo sur le sujet : ici !
Je précise que cet article possède une vocation purement informative. Je ne suis ni adepte, ni spécialiste du vaudou.
Maintenant, dites-moi si d’autres sujets sur le vaudou vous plairaient 🙂
Crédit Images :
-> Poupée vaudou : Star vecteur créé par macrovector – fr.freepik.com
-> Le Bénin : Par Addicted04 — Travail personnel with Natural Earth Data Cette image vectorielle non W3C-spécifiée a été créée avec Inkscape., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20164161
-> Les langages gbe : Par Mark Dingemanse — Capo, Hounkpati B.C. (1988) Renaissance du Gbe: Réflexions critiques et constructives sur L’EVE, le FON, le GEN, l’AJA, le GUN, etc. Hamburg: eldonejo Helmut Buske Verlag.Capo, Hounkpati B.C. (1991) A Comparative Phonology of Gbe, Publications in African Languages and Linguistics, 14. Berlin/New York: Foris Publications & Garome, Bénin: eldonejo Labo Gbe (Int)., CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=33687
-> Le Temple des Pythons : Par Ji-Elle — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=57273617
-> Le royaume d’Oyo au XVIIIème siècle : Commons and Rollebon, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
-> Shango : By Dornicke – Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41475047
-> Mur des Orishas : Mural on Mission @ 24th – San Francisco | Sob o Sol de Orixa… | Flickr https://www.flickr.com/photos/livenature/420586144/in/photolist-DaBBf
-> Vévé de Papa Legba : Public Domain USA, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=50392