Archéologie et Art,  Histoire du Monde

Le cimetière Consolação de São Paulo

Cimetière Consolação, SP
Cimetière Consolação, SP, © Audrey Feather.

Dans cet article, vous allez découvrir le plus ancien cimetière encore en activité de São Paulo : la nécropole de Consolação.

Partons ensemble à la découverte d’un lieu qui nous en dit tant sur l’histoire de la principale métropole du Brésil.

Toutes les photos ont été prises par mes soins, le 26 septembre 2021.

Présentation de la nécropole

Le cimetière de Consolação, situé au cœur de la ville de São Paulo (Brésil), a été fondé le 10 juillet 1858 (le pays est alors un Empire gouverné par Dom Pedro II) et officiellement inauguré le 15 août de la même année.

À l’époque, l’endroit est connu sous le nom de Cimetière Municipal. La fondation de la nécropole a avant tout été motivée par des préoccupations hygiéniques : il s’agissait de garantir la salubrité et d’éviter la propagation d’épidémies. En effet, en ce milieu de XIXème siècle, il était encore très courant d’inhumer les défunts au sein des églises ou dans les terrains entourant les édifices religieux. Pourquoi ? Parce que le/la croyant(e) s’assurait une place éternelle aux côtés des saints, en plus d’un accès VIP au paradis. Il va s’en dire que, les places étant très limitées, seuls les plus aisés pouvaient se le permettre.

Seulement, si la promiscuité entre les vivants et les morts a longtemps été la norme (on organisait des marchés, des foires et même des procès au sein des cimetières), les autorités civiles et religieuses ont fini par prendre conscience du danger que la pratique représentait.

En effet, toutes les églises n’avaient pas été construites ou entretenues selon les règles de conformité actuelles : le pavé était mal joint, les corps s’entassaient les uns sur les autres, aucun mur ne séparait le cimetière du voisinage… Bref, l’hygiène laissait franchement à désirer mais ce n’était rien à côté d’un fléau bien plus dévastateur : les épidémies contagieuses.

Vous vous en doutez, exposer et/ou enfouir un corps contaminé à proximité des zones de vie ne fait que renforcer la propagation des épidémies. Aussi, le 7 juillet 1858, la municipalité de São Paulo prend la décision d’interdire l’inhumation au cœur des édifices religieux.

En France, c’est en 1776 que Louis XVI avait décrété la même interdiction. Dans le vocable historique, on parle d’un exode des morts. « Pour l’anecdote », sachez que les premiers individus à avoir été enterrés au sein du cimetière de Consolação étaient toutes des victimes d’une épidémie de variole ayant frappé la ville de São Paulo en 1858.

Bien entendu, il a fallu du temps pour faire évoluer les mentalités. Dès 1829, un conseiller municipal, Joaquim Antonio Alves Alvim, avait défendu la création d’un cimetière public à São Paulo. Trente ans plus tard, on lui donne enfin raison. Seulement, il faut maintenant trouver le parfait emplacement pour la future nécropole. Deux options sont retenues : le quartier de Consolação et celui de Campos Elíseos.

C’est finalement un ingénieur, Carlos Rath, qui fait pencher la balance en faveur de Consolação. La municipalité achète, pour 200 000 réis, la partie du terrain qui appartient à un particulier. Mais, à cause d’un manque de fonds, les travaux prennent du retard. Finalement, en échange d’un usage exclusif de la chapelle, la marquise de Santos (l’amante de l’empereur Dom Pedro I) permet au cimetière de prendre vie [sans mauvais jeu de mots].

Une nécropole élitiste ?

Durant les premières années de son fonctionnement, le cimetière de Consolação accueille toutes les classes sociales de la population, ceci incluant les esclaves. Et puis, avec l’ouverture d’autres cimetières municipaux (Brás en 1893, Araçá en 1897), la nécropole s’éloigne peu à peu du peuple pour devenir l’apanage des classes les plus aisées. Dorénavant, les concessions sont perpétuelles et la préfecture se fait une petite fortune avec chaque parcelle qu’elle vend.

C’est le moment charnière où l’art funéraire devient un outil de propagande. Par-delà la mort, on cherche à immortaliser son pouvoir et son opulence. Comment ? En recrutant des artistes de renom, en utilisant des matériaux onéreux comme le marbre et le bronze, en essayant toujours de surpasser le rival. Un exemple ? En 1871, le chirurgien et politicien Antonio José de Melo commande un mausolée en Europe, qu’il fait acheminer jusqu’au Brésil et reconstruire sur place !

Cimetière Consolação, SP
Cimetière Consolação, SP, © Audrey Feather.

Quelques exemples de tombes

Véritable joyau de l’art funéraire (et de la sculpture en général) le cimetière de Consolação abrite les sépultures de personnalités illustres qui ont marqué l’histoire de São Paulo et du Brésil dans son ensemble.

Commençons par nous intéresser au cas de Ricardo Jafet, un banquier et homme d’affaires devenu président de la Banque du Brésil en 1951. Alliant le granit et le bronze, la tombe de Jafet est d’inspiration Art Nouveau. Sur le front principal de la stèle, à l’intérieur d’une niche circulaire, l’artiste Materno Garibaldi a sculpté un buste représentant le défunt tenant un livre à la main, symbolisant le parcours érudit de Jafet, à la fois avocat, banquier et industriel.

Au-dessus de la niche, plusieurs figures féminines sont tendues vers le ciel, comme des âmes en mouvement vers un autre monde, tandis que, sur les côtés de la stèle, les allégories se multiplient : femme et enfant représentant la famille, une fleur incarnant la pureté, un ange personnifiant la gloire, une jeune femme appuyée sur son coude évoquant la contemplation et le manque…

Voyons maintenant la sépulture de Luigi Chiaffarelli (1856-1923), un Italien ayant créé une école de musique renommée à São Paulo, après être arrivé au Brésil en 1880. Chiaffarelli, dès son plus jeune âge, a été initié à l’univers musical par ses parents, avant de devenir lui-même un musicien accompli, alliant les talents de pianiste, de compositeur et également la charge de professeur, qu’il s’agisse d’enseigner la musique italo-brésilienne ou les langues étrangères (l’homme maîtrisait treize langues !).

La stèle de Luigi Chiaffarelli, réalisée par Nicola Rollo, cherche avant tout à provoquer l’émotion du spectateur. Sur une base en granit, une femme prostrée et pleurant à chaudes larmes se dresse. Il s’agit d’Euterpe, la muse grecque présidant à la musique, comme l’indique la lyre sculptée au sol. Il y a quelques années, des vandales ont détruit les immenses larmes de la muse mais, par chance, elles ont depuis été restaurées [comme quoi, la bêtise n’a pas de frontières].

Passons à la stèle de José Alves de Cerqueira César (1835-1911), un homme politique qui fut le gouverneur par intérim de l’état de São Paulo de décembre 1891 jusqu’en août 1892. Durant son court mandat, Cerqueira César dût faire face à des agitations politiques liées à son prédécesseur, en plus de divers épisodes de fièvre jaune.

Concernant le mausolée de Cerqueira César, l’oeil est immédiatement attiré par l’ange en marbre, une main posée sur la croix indiquant le nom du défunt et l’autre soutenant son visage, incarnation déchirante de la douleur de la perte. Derrière la croix se dressent deux colonnes, une plus petite décorée d’agneaux et une autre ornée d’allégories religieuses en bronze. Au sommet de cette dernière, quatre têtes en bronze observent les alentours, assurant la surveillance de la tombe. La flamme, elle, représente l’éternité de la passion.

Bonus : galerie de photos

Ma conclusion sera brève : si vous avez l’occasion de visiter São Paulo, allez faire un tour au cimetière de Consolação, le lieu vaut véritablement le détour !

Si l’article vous a plu, n’hésitez pas à me le faire savoir en commentaire et à me dire quelle sculpture est votre favorite 😉

Intéressé(e) par l’histoire des cimetières ? Voici mon article sur le sujet et ma vidéo plus détaillée sur l’inhumation durant la Préhistoire !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *